Ce texte a été inspiré de la lecture du livre “Évolution spontanée” du Dr. Bruce Lipton.
Nos cellules sont des organismes vivants qui sont animés d’une volonté innée de survivre, ce que la science appelle l’impératif biologique. Celui-ci n’est ni le fruit du hasard ni quelque chose de prédéterminé. C’est plutôt le résultat d’une danse intelligente entre chaque forme de vie et son environnement. En effet, au fil de millions d’années d’évolution, les cellules composant les organismes pluricellulaires ont élaboré un plan de paix efficace qui leur a permis d’améliorer leurs chances de survie. L’harmonie remarquable qui règne entre quelques milliers de milliards de cellules composant un corps humain en bonne santé devrait être un modèle pour nous tous.[1] Nos cellules ont apparemment résolu tous les problèmes susceptibles de nuire à la coopération entre elles, de sorte que nos tissus et nos organes, qui sont l’équivalent des Etats-nations de la communauté cellulaire, ont tendance à se soutenir mutuellement plutôt qu’à se faire concurrence et à lutter les uns contre les autres.
Pour mieux comprendre le génie du vivant, étudions de près comment s’est faite cette évolution.
L’IMMENSE SAGESSE DE L’UNIVERS CELLULAIRE
Le premier saut évolutif s’est produit il y a environ 3,5 milliards d’années. C’est durant cette période que les premières cellules primitives, appelées procaryotes[2], sont apparues et ont commencé à coloniser les océans de la planète. Toutefois, leur volonté commune d’accroître leurs capacités perceptives les a amenés à s’assembler d’abord en communautés, puis à former des communautés symbiotiques de microorganismes appelées biofilms. Ces biofilms évoluèrent ensuite jusqu’à devenir des cellules eucaryotes[3] telles que les amibes ou les algues qui représentent des versions plus évoluées des communautés procaryotes protégées par une membrane cellulaire.
Toute cette évolution a été motivée par deux impératifs. D’une part, l’entraide communautaire augmente la capacité de survie en favorisant un fonctionnement plus efficace et d’autre part, l’acquisition d’une meilleure conscience[4] de l’environnement dans lequel la cellule évolue. Par exemple, si une seule cellule possède un potentiel donné de conscience, alors une colonie de trente cellules aura un potentiel de conscience collective au moins trente fois supérieur[5]. Cela signifie que l’information collective d’une communauté cellulaire offre à chacune de ses cellules un degré de conscience potentiellement beaucoup plus élevé que celui dont disposent ses cousines unicellulaires autonomes.
Ensuite, il y a environ 700 millions d’années, le vivant a repris une stratégie évolutive éprouvée afin d’accroître encore davantage son degré de conscience. Elle a regroupé des cellules eucaryotes en communautés multicellulaires afin de mettre en commun leurs capacités perceptives et leurs efforts au profit de l’ensemble de la communauté cellulaire. Dans ces colonies de cellules eucaryotes très unies, les cellules effectuaient essentiellement les mêmes tâches et mettaient en commun leur productivité. Lorsque la population de bon nombre de ces colonies excéda une certaine limite, il ne devint plus aussi efficace que toutes les cellules effectuent le même travail. Elles commencèrent donc à se répartir entre elles la charge de travail à exécuter, déléguant des tâches précises à différentes cellules. C’est le processus de différenciation.
Les cellules différenciées dans une communauté cellulaire sont comparables à des artisans. De la même manière que les artisans humains s’organisent en corporations, les cellules différenciées s’organisent en tissus et en organes remplissant diverses fonctions nécessaires à la survie de la communauté. Par exemple, une cellule du muscle cardiaque a pour spécialité de se contracter à un rythme régulier, et c’est la combinaison de toutes les cellules cardiaques qui forme le cœur. En échange de leurs services cardiovasculaires spécialisés, les cellules du cœur bénéficient des services offerts par d’autres regroupements de cellules hautement qualifiées. Ainsi, elles reçoivent les nutriments fournis par le système digestif, l’oxygène provenant du système respiratoire, la protection du système immunitaire, la gestion des déchets assumée par le système excréteur rénale et cutanée et la gestion de nos interactions avec le monde extérieur par l’entremise du système nerveux.
La performance de ces systèmes n’est pas basée sur leur compétitivité avec les autres organes et tissus du corps. Bien au contraire, leur performance est mesurée par rapport à la manière dont chaque organe arrive à coopérer avec les autres.
On peut comparer les cellules à des personnes miniatures, chacune ayant sa vie personnelle tout en partageant avec les autres l’expérience de la vie communautaire.
L’harmonie remarquable régnant entre les cellules est véritablement ce qui distingue les communautés de cellules eucaryotes de la société humaine actuelle. En effet, chaque cellule est une entité unique et distincte des autres, mais toutes se comportent et se soutiennent mutuellement comme si elles ne formaient qu’un seul tout. Toutefois, unité ne signifie pas uniformité. Une cellule du foie ne ressemble pas, d’un point de vue cytologique et fonctionnel, à une cellule musculaire, qui, à son tour, ne ressemble pas à une cellule nerveuse. Les cellules, bien qu’elles forment un tout fonctionnel, sont subdivisées par des frontières en communautés que nous distinguons en tant que tissus et organes différents. Chaque communauté cellulaire contribue à la survie de l’organisme en s’acquittant d’une tâche précise ou d’une mission particulière.
Chaque nation et chaque culture de notre monde est l’équivalent d’un tissu ou d’un organe du “super organisme” appelé l’humanité. Tout comme chaque organe contribue à l’économie du corps, chaque nation devrait contribuer à l’économie de l’humanité tout entière.
Les cellules composant un organe peuvent sembler différentes et vivre selon des règles distinctes de celles des cellules voisines situées de l’autre côté de la frontière définie par la paroi extérieure de cet organe. Le précieux travail qu’elles font a davantage à voir avec ce qui les différencie qu’avec ce qui les apparente aux autres cellules.
Aujourd’hui, chaque peuple et chaque culture perçoit les autres comme des rivaux et certains aimeraient bien tout simplement les faire disparaître. Si une telle attitude prévalait au sein de notre corps, ce serait comme si certains de nos systèmes internes se liguaient dans le but d’éliminer un organe ou un tissu en particulier. Lequel de nos organes vitaux choisirions-nous de faire disparaître ? Quel impact cela aurait-il sur notre capacité à continuer à vivre ?
NOTRE CORPS, UN EXEMPLE DU MIEUX VIVRE ENSEMBLE
Nous pouvons en apprendre beaucoup en scrutant la vie de nos cellules à un niveau plus intime et plus profond.
Pensez au travail fabuleux que nos cellules exécutent tous les jours pour nous maintenir en vie. Puis, comparez ce qu’elles font avec les résultats souvent médiocres que nous obtenons lorsque nous tentons de coopérer avec d’autres personnes dans la poursuite d’un objectif commun. Cette autoévaluation pourrait bien nous obliger à reconnaître que nous ne sommes pas aussi intelligents que nous aimerions le croire et que nos cellules font preuve de plus d’intelligence que nous. L’observation de tout ce qu’elles accomplissent risque de porter un dur coup à notre ego collectif.
Par exemple, les cellules ont :
- un système monétaire qui rémunère les cellules en fonction de l’importance du travail qu’elles exécutent grâce aux molécules d’adénosine tri-phosphate (ATP) et qui met en réserve dans des banques communautaires les profits excédentaires générés. Ainsi, le budget énergétique du corps est toujours équilibré ;
- un système de recherche et développement qui met au point de nouvelles technologies et qui fabrique des équivalents biochimiques des câbles d’acier, du contreplaqué, du béton armé, des circuits électroniques et des réseaux informatiques à haut débit ;
- un système de purification de l’air et de l’eau dont la technologie est plus avancé que tout ce que les humains ont pu créer à ce jour. C’est la même chose en ce qui concerne les systèmes de chauffage et de refroidissement ;
- un système de communication extrêmement complexe et rapide qui, à l’instar du réseau Internet, envoie des messages codés directement aux cellules concernées ;
- un système de justice pénale qui détient, emprisonne, réhabilite et qui aide même les cellules destructrices à se suicider ;
- une couverture complète des soins de santé qui fait en sorte que chaque cellule reçoive tout ce dont elle a besoin pour demeurer en santé ;
- un système immunitaire qui protège les cellules et le corps à l’aide de gardes armés perpétuellement sur le qui-vive.
Cet organisme multicellulaire forme une communauté parfaitement fonctionnelle et viable car elle partage des intérêts et des objectifs communs. Le mot clé ici est le partage. En tant que membre d’une communauté, chaque cellule met de côté ses intérêts personnels et s’engage à soutenir l’ensemble. En retour, elle a de meilleures chances de survie grâce à la conscience accrue et à la plus grande efficacité énergétique résultant de la coopération communautaire.
Serons-nous à la hauteur pour améliorer notre destin en continuant cette évolution du vivant, en développant la conscience que nous sommes tous des cellules interdépendantes dans ce “super organisme” qu’est l’humanité ou disparaître à tout jamais à l’instar des dinosaures ?
Dr. Abdelghani SAIDANE
Membre du pôle Santé de AISA ONG
[1] En ce moment, le nombre total de cellules dans un corps humain est 7000 fois le nombre d’humains sur terre.
[2] Ce sont les plus petites et les plus simples cellules qui existent. C’est un organisme dont le noyau cellulaire est mêlé au cytoplasme.
[3] Cellule possédant un noyau structuré.
[4] La conscience représente la capacité d’un organisme à percevoir les stimuli environnementaux, à les interpréter et à y réagir.
[5] Les unités de conscience de la cellule sont les protéines réceptrices et effectrices se trouvant sur sa membrane.