A nos frères et sœurs en Dieu et à tous les amis de la paix.
En ce jour solennel de la célébration de la fête de l’Aid el Adha, la fête du sacrifice du prophète Abraham, je vous adresse à tous, mes vœux de paix, de fraternité et de santé ainsi qu’à vos familles, vos proches et tous ceux et celles qui espèrent et œuvrent pour un monde de justice, de solidarité et de réconciliation.
Notre monde malade a un grand besoin d’œuvrer à sa guérison. Dans ces moments de doute et d’incertitude, il est important pour chacun de nous en toute conscience de prendre ses responsabilités avant que notre civilisation ne s’effondre sur elle-même. Aujourd’hui alors que la pandémie de COVID-19 a fait, déjà, des millions de morts, la réalité incontournable est qu’enfin le temps de la guérison succède à un temps de maladie ou de mise à mort.
Médusés, nous contemplons l’œuvre de la folie humaine, guerres ethniques, raciales ou idéologiques, exploitation, pauvreté, pollution, incompréhension, ignorance, choc des civilisations, intransigeance, spéculation… Nous voyons partout des foules exhibant leurs drapeaux, leurs slogans, leurs armes, suivre leurs leaders, gourous, maîtres à penser qui, en flattant leur supériorité, les haranguent, les poussent à en découdre une fois pour toutes avec leur ami d’hier… devenu leur ennemi d’aujourd’hui. Les uns crient : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens », les autres disent : « Battez-vous par amour de votre patrie, de votre race, de votre religion », d’autres encore proclament : «Nous sommes le monde du “bien”, ils sont le monde du “mal”, détruisez le mal et la terre sera délivrée.»
Force est de constater la nécessité de reconnaître et de prendre en compte que les pandémies de guerre, de haine et d’inimitié dévorent plus de vies que la pandémie du corona virus elle-même, absorbent plus de ressources que n’importe quel vaccin, sèment le désespoir et la peur, et alimentent de nouvelles haines, de nouvelles inimitiés et de nouvelles guerres.
Si nous considérons l’épreuve que nous traversons aujourd’hui, la spiritualité n’est pas de la relaxation, ni du développement personnel. C’est un message pour nourrir notre conscience de valeurs universelles ; même celui qui ne s’apparente à aucune tradition, ni religion, les a au fond de lui-même. C’est comme le beurre dans le lait : secouez le lait et vous avez le beurre. Dans chaque être humain subsiste cette part d’Esprit. Cela se reconnait dans l’altérité. Si ma posture est de me positionner comme spirituel, ce n’est pas juste. Il faut descendre de ce piédestal. L’humilité est un état d’être, si vous voulez aider les gens, aider quelqu’un qui va tomber, vous abaissez votre épaule pour le soulever. Vous vous courbez. Le monde a besoin d’aide, mais d’une aide qui vient par-dessous, pas par-dessus en lui assénant des vérités toutes faites. C’est un apprentissage qui transforme notre vie. Cet enseignement nous appelle à vivre la culture de paix et à la transmettre à nos enfants afin qu’ils puissent construire leur avenir l’un avec l’autre et non pas l’un contre l’autre.
Quoique l’on en dise, c’est la fin d’un système qui ne sait plus répondre aux besoins de la société d’aujourd’hui et encore moins celle de demain. Interrogeons-nous sur un simple virus qui émerge et qui met la machine mondiale à l’arrêt. Comment notre société peut-elle avoir confiance et espérer en un système qui fait prévaloir le profit sur le bien-être commun. Quand une grande partie de l’humanité n’a pas accès au vaccin et le réclame alors qu’une autre a le choix de l’abondance et par peur d’effets secondaires possibles ou imaginaires le refuse, faut-il contraindre ou partager avec ceux qui le souhaitent. L’efficacité d’une campagne de vaccination repose sur son universalité. Les gouvernements doivent le rendre accessible gratuitement. Dans ce contexte, des précédents peuvent nous inspirer. C’est l’histoire du vaccin contre la polio. Dans les années 1950, c’était une maladie terrible, elle aussi causée par un virus, qui affectait les enfants, environ 20 000 cas par an, provoquant une paralysie à vie. Jonas Salk, un biologiste américain, a inventé le premier vaccin contre elle et ne l’a jamais breveté. Il n’a pas demandé de royalties. La seule chose qui l’intéressait pour le bien-être de tous, était de diffuser le vaccin le plus largement possible et aussi vite que possible.
Il est temps d’éveiller les consciences, de les ouvrir à la communion intime et au dialogue permanent avec la conscience du nous, fruit d’une longue expérience et d’une maturité spirituelle imprégnant chacune de nos pensées et le moindre de nos actes. Elle nous invite à tout instant, dans la joie comme dans la détresse, dans le doute ou la certitude, dans l’action ou la méditation, à cultiver, à affermir cette relation intense qui transcende et unit l’âme du monde et l’amène à goûter les instants de paix.
Chacun se donne bonne conscience, participe, approuve, ou se tait devant l’horrible spectacle qu’offre quotidiennement l’arène du monde sans sagesse, fruit de nos illusions. Alors, l’homme désabusé se lève et crie : Paix sur terre, paix entre les hommes, mon Dieu, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. Ouvre-leur l’œil du cœur pour qu’ils perçoivent que T’aimer, c’est aimer toutes Tes créatures dans le respect des différences voulues par Toi, afin que chacun découvre par l’autre la richesse et la grandeur de Ta miséricorde.
Mon Dieu, je m’adresse à Toi à travers tous que les cœurs et toutes les consciences contenues dans chacun et chacune de Tes créatures pour nous délivrer de l’orgueil, de la suffisance et de la folie meurtrière qui guette chacun de nous. Fais que cette prière arrive à Toi comme une offrande de tous ceux et celles qui espèrent en Toi dans leur détresse, mais sans faiblir, et qui veulent, selon Ta volonté, vivre et partager dans la fraternité et la paix le don sacré que Tu nous as prodigué : la vie.
Cheikh Khaled Bentounes